mardi 23 juin 2015

"Léonard taille les rhododendrons"


C’est la dernière ligne du journal de Virginia Woolf, le 24 mars 1941 : « Léonard taille les rhododendrons ». Quatre jours plus tard, en pleine dépression, elle remplit ses poches de pierres et se noie dans l’Ouse prés de Monk’s House. Elle expliquera son geste dans une lettre adressée à son mari :
« Je suis certaine que je retombe dans la folie : je sens que nous ne pouvons plus traverser à nouveau un de ces épisodes épouvantables. Et cette fois-ci je ne m’en remettrai pas. Je commence à entendre des voix, et ne peux pas me concentrer. J’accomplis donc ce qui me paraît la meilleure chose à faire. Tu m’as apporté le plus grand des bonheurs possibles. Tu as été en toutes choses tout ce qu’un être humain pouvait représenter. Je ne crois pas que deux personnes auraient pu être plus heureuses jusqu’à l’arrivée de cette terrible maladie. Je ne peux plus lutter contre elle, je sais que je gâche ta vie, que sans moi tu pourras travailler. Et je sais que ce sera le cas. Tu vois, je ne puis même pas écrire ces mots comme il faudrait. Je ne peux plus lire. Ce que je tiens à dire, c’est que c’est à toi que je dois tout le bonheur de mon existence. Tu as été avec moi d’une patience inlassable et d’une incroyable bonté. Je tiens à le dire – tout le monde le sait. Si quelqu’un avait pu me sauver, cela aurait été toi. Tout m’a abandonné, sauf la certitude de ta bonté. Je ne peux plus continuer à gâcher ta vie. Je ne pense pas que deux personnes auraient pu être plus heureuses que nous ne l’avons été. »