C’est la dernière ligne du journal de Virginia Woolf,
le 24 mars 1941 : « Léonard taille les rhododendrons ».
Quatre jours plus tard, en pleine dépression, elle remplit ses poches de
pierres et se noie dans l’Ouse prés de Monk’s House. Elle expliquera son geste
dans une lettre adressée à son mari :
« Je suis certaine que je retombe dans la
folie : je sens que nous ne pouvons plus traverser à nouveau un de ces
épisodes épouvantables. Et cette fois-ci je ne m’en remettrai pas. Je commence
à entendre des voix, et ne peux pas me concentrer. J’accomplis donc ce qui me
paraît la meilleure chose à faire. Tu m’as apporté le plus grand des bonheurs
possibles. Tu as été en toutes choses tout ce qu’un être humain pouvait
représenter. Je ne crois pas que deux personnes auraient pu être plus heureuses
jusqu’à l’arrivée de cette terrible maladie. Je ne peux plus lutter contre
elle, je sais que je gâche ta vie, que sans moi tu pourras travailler. Et je
sais que ce sera le cas. Tu vois, je ne puis même pas écrire ces mots comme il
faudrait. Je ne peux plus lire. Ce que je tiens à dire, c’est que c’est à toi
que je dois tout le bonheur de mon existence. Tu as été avec moi d’une patience
inlassable et d’une incroyable bonté. Je tiens à le dire – tout le monde le
sait. Si quelqu’un avait pu me sauver, cela aurait été toi. Tout m’a abandonné,
sauf la certitude de ta bonté. Je ne peux plus continuer à gâcher ta vie. Je ne
pense pas que deux personnes auraient pu être plus heureuses que nous ne
l’avons été. »